La vallée de la Bruche en chiffres et repères

  • Longueur de la vallée : environ 50 km, du Champ du Feu à Schirmeck et Urmatt, où la Bruche rejoint la plaine d’Alsace (source : Office de tourisme de la vallée de la Bruche).
  • Population : près de 21 000 habitants sur une quarantaine de communes rurales, la plus grande étant Schirmeck.
  • Altitude : de 220 à plus de 1000 mètres, avec les Hautes Vosges et le Champ du Feu (plus haut point à 1099 m).
  • Site Natura 2000 : plus de 12 000 hectares protégés pour leur biodiversité remarquable (source : Département du Bas-Rhin).

Paysages et nature : immersion dans les Vosges intimes

Le Champ du Feu : balcon sur l’Alsace

Le Champ du Feu, « Feldberg » en allemand local, est le toit du département du Bas-Rhin. À 1099 mètres, les prairies d’altitude alternent avec la forêt de hêtres et de sapins. En été, c’est un lieu de randonnée saisissant pour ses panoramas : la vue file jusqu’à la Forêt-Noire ou les Alpes par temps clair. En hiver, le petit domaine skiable attire les familles, loin de l’agitation des grandes stations (source : Massif des Vosges Tourisme).

  • Sentiers balisés par le Club Vosgien, notamment le circuit du rocher du Hohwald.
  • Zonage Natura 2000 protégeant la gélinotte des bois, la chevêchette d’Europe et d’autres espèces rares.
  • Landes sauvages à linaigrettes et tourbières, originales en Alsace, où pousserait la canneberge et où l’on observe parfois la cigogne noire.

Sentiers de la forêt bruchemaine : entre hêtres et mystères

La forêt occupe 70 % du territoire de la vallée, bien plus que la moyenne nationale (source : IGN). Ici serpente la Bruche, rivière vive, entre épicéas, sapins et vieux hêtres tortueux. On croise souvent au détour des chemins :

  • Des abris de bûcherons (« Schupf »), témoins de l’ancien travail forestier.
  • Des sculptures de bois cachées ou œuvres Land Art comme à la maison forestière de Salm.
  • La légendaire roche des Fées, près de Fréconrupt, où se tenaient d’antiques veillées ou kermesses.

Le sentier du Donon est une belle porte d’entrée. Ce sommet arrondi, à 1009 mètres, est un site sacré depuis l’âge du Bronze, réutilisé par les Celtes, puis les Romains, jusqu’aux cultes modernes.

Les jardins, prairies et espaces naturels inattendus

La vallée cache des trésors botaniques anciens :

  • Jardin partagé de Senones : un parc rural où sont conservés des plantes médicinales et variétés fruitières anciennes (source : Communauté de communes de la vallée de la Bruche).
  • La prairie humide de la Broque : refuge de papillons et libellules rares en Alsace.
  • Le Houx, le noisetier et la « cueillette du myrtille » : Depuis le XIX siècle, les familles bruches ramassent la myrtille sauvage entre juillet et août, tradition vivace sur les crêtes du Climont.

Villages et patrimoine bâti : mémoire et identité

Schirmeck, cœur historique et mémoire d’Alsace

Schirmeck, principale bourgade de la vallée, tient son nom du vieux français « écrin ». Depuis le XI siècle, sa position en carrefour entre Lorraine et Alsace lui a conféré une importance stratégique, économique… et tragique lors des conflits. Quelques repères à ne pas manquer :

  • Le Mémorial Alsace-Moselle : un musée unique (80 000 visiteurs/an, source) retraçant l’histoire complexe des habitants de la région, ballotés par les frontières franco-allemandes au XX siècle, du Reichsland à la Libération.
  • Maison du Patrimoine : petite mais précieuse, elle présente costumes, outillages et récits des métiers traditionnels de la vallée.
  • L’église protestante, style néo-gothique : témoin de la coexistence catholique/protestante, marque identitaire durable de la vallée.

La Broque et les vestiges du Struthof

Le tristement célèbre camp de Natzweiler-Struthof, unique camp de concentration nazi installé en France, se trouve au cœur de la vallée. Aujourd’hui Centre européen du résistant déporté, il attire plus de 170 000 visiteurs par an (source : Ministère des Armées). Les lieux, la carrière de granit rose, les baraquements, forcent au recueillement. La visite donne voix aux récits de résistants alsaciens, déportés de toute l’Europe, et à la nécessaire mémoire.

Villages de caractères : Saulxures, Fouday et Ranrupt

Chaque village bruchois décline ici son charme singulier :

  • Fouday : patrie du pasteur Oberlin, pionnier social du XVIII siècle, avec son musée, l’école-musée et son artisanat inspiré par les valeurs du partage.
  • Saulxures : connu pour son église romane et ses orgues, mais aussi ses « marcaires », fermiers-éleveurs faisant vivre la transhumance bovine.
  • Ranrupt et Colroy-la-Roche : abritent de beaux chalets de grès rose, maisons à pans de bois, anciens moulins à eau encore en état de marche.

Mémoire industrielle et artisanale : filatures, verreries et traditions vivantes

Si la vallée fut longtemps agricole, c’est au XIX siècle que l’industrie du textile et du verre y connaît son âge d’or. Plusieurs sites rappellent ce pan de l’histoire locale :

  • La Filature de la Bruche à La Broque : jadis fleuron industriel (400 ouvriers en 1901), elle témoigne de la migration de familles vosgiennes, alsaciennes, italiennes (source : René Kiener, historien local).
  • La verrerie de Waldersbach : fondée en 1733, spécialisée dans le verre forestier, soufflé à la bouche. Aujourd’hui, des ateliers redonnent vie à ces techniques auprès du public.
  • Les scieries hydrauliques : la vallée comptait plus de 60 moulins à eau au XVIII siècle. Le moulin Mehnert, à La Broque, continue d’écraser le grain pour les villageois.

L’artisanat demeure vivant grâce à un maillage associatif et familial : potiers, ébénistes (notamment à Solbach), fromagers, et même une relance de la production de lin local, abandonnée au XX siècle, aujourd’hui employée par quelques artisans textiles (source : Alsace20 TV, 2023).

Itinéraires pédestres et cyclistes : explorer autrement

La Voie verte et le vélo-rail

  • La Voie Verte « Portes Bonheur » : 32 km de pistes cyclables sur ancienne voie ferrée, entre Saâles et Strasbourg, au cœur de la forêt, accessible à tous. Un projet initié avec la SNCF, aujourd’hui fréquenté par 80 000 usagers annuels (source : Région Grand Est).
  • Vélo-rail sur l’ancienne ligne Saâles-Bruche : expérience familiale et insolite, traversant viaducs et tunnels dans les gorges boisées, notamment près de Urmatt.

Randonnées thématiques : nature, mémoire et gourmandise

  • Le GR5 : itinéraire mythique reliant la mer du Nord à la Méditerranée, traverse la vallée sur près de 45 km, entre le Donon et le Champ du Feu.
  • Sentier Oberlin : circuit éducatif autour de Fouday, illustrant 20 étapes de la vie du pasteur et de ses œuvres sociales. Idéal en famille ou avec des scolaires.
  • Randos gourmandes : organisées par l’office du tourisme au printemps et à l’automne, pour découvrir fermes-auberges, goûter le siaskaas (fromage blanc local) et la tarte aux fruits des bois.

À voir encore : petits musées, chapelles cachées et initiatives artistiques

  • L’Église de Plaine : bijoux d’architecture où se mêlent influences gothiques et baroques.
  • Les fresques de l’artiste Martine Hauser : à Neuvillers-sur-Fave, rénovées dans une ancienne scierie, témoignage d’un pan de mémoire ouvrière méconnu.
  • Festival « Eté musical en vallée » : concerts classiques dans des granges et chapelles, pour saisir l’âme douce de la vallée au cœur l’été (prochaine édition : juillet 2024).

Un territoire entre histoire et renouveau

Aux détours de la Bruche et de ses affluents, la vallée s’offre comme un livre qui se feuillette lentement. On y lit les pages de l’industrie disparue, de luttes et d’espoir, et l’on y goûte l’identité restée forte malgré le passage du temps. Les nouveaux venus comme les natifs réinventent aujourd’hui la vie locale, entre néo-ruraux, agriculteurs bio, microbrasseries (la Brasserie Storig), économies d’énergie et jardins partagés.

Loin d’une Alsace de carte postale, la vallée de la Bruche donne à arpenter un visage vrai, parfois rugueux mais toujours accueillant. Son patrimoine, sa nature, ses voix vives invitent à l’écoute et à la curiosité. Pour qui veut observer, comprendre, rencontrer, la Bruche offre une Alsace singulière, fluide, enracinée… à découvrir à pied, à vélo ou tout simplement au gré du fil de l’eau.

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