Strasbourg : cathédrale et Grande Île, un cœur battant classé UNESCO

Le premier site alsacien à être reconnu par l’UNESCO, dès 1988, est la Grande Île de Strasbourg. Ce cœur historique est cerné par les bras de l’Ill, et concentre l’essence médiévale et gothique de la ville. On y découvre, rayonnant au centre, la célèbre Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.

  • La Cathédrale Notre-Dame : Édifice monumental de grès rose, la cathédrale tutoie le ciel avec ses 142 mètres de haut. Achevée en 1439, elle fut durant plus de deux siècles la plus haute construction chrétienne du monde (source : Centre des monuments nationaux). Son horloge astronomique, chef-d’œuvre du XVI siècle, attire autant que sa statuaire détaillée ou sa rosace flamboyante.
  • La Petite France : Quartier emblématique, avec ses maisons à colombages, ses canaux, ses ruelles pavées. Jadis quartier des tanneurs et des meuniers, c’est aujourd’hui un décor vivant, où l’on retrouve l’âme ouvrière et commerçante de la ville.
  • L’Ancienne Douane et la place Gutenberg : Autres témoins de la prospérité médiévale strasbourgeoise, avec leur architecture massive et la mémoire des échanges qui transitaient par la ville.

Ce qui distingue la Grande Île est sa densité exceptionnelle de monuments inscrits ou classés : on y compte à elle seule plus de quarante bâtiments d’intérêt national. L’agencement même de l’île, ses rues, ses ponts (citons le pont Saint-Martin, repère des bateliers et de l’industrie du sel) lui ont valu cette reconnaissance mondiale. L’inscription UNESCO met en avant Strasbourg comme exemple rare de ville médiévale conservée, et de creuset culturel européen (source : whc.unesco.org).

Strasbourg Neustadt : la cité impériale reconnue patrimoine mondial

L’UNESCO a étendu en 2017 la protection du cœur de Strasbourg à un second site d’exception : la Neustadt, conçue et bâtie au lendemain de l’annexion allemande (1871-1918). Loin d’être anecdotique, ce quartier témoigne de l’ambition urbaine de la période wilhelmienne et du dialogue architectural unique entre la France et l’Allemagne.

  • Vaste plan d’urbanisme : près de 370 hectares, 2500 immeubles et monuments qui illustrent l’articulation moderniste de la ville avec des perspectives monumentales, de larges avenues, et des places structurantes (comme la sublime place de la République).
  • Styles mêlés : on y croise bâtisses néorenaissance allemande, hôtels particuliers, écoles et universités, témoignant de la bouillonnante « Mitteleuropa » dont Strasbourg fut le creuset.
  • Symbole franco-allemand : cette extension représente, à l’échelle urbaine, les passages de frontières et d’identités subis par l’Alsace mais aussi son rôle moteur dans la construction européenne.

La double inscription du centre historique et de la Neustadt constitue un cas rare dans l’histoire même de l’UNESCO, qui consacre rarement des ensembles aussi vastes et hétérogènes (seulement 4 exemples en Europe à ce jour).

Sublimes transfrontaliers : le vignoble et les paysages de la Route des vins

La Route des vins d’Alsace, si célèbre pour ses villages colorés, ses collines sculptées par la vigne et ses fêtes bachiques, n’est pas en elle-même inscrite sur la liste des patrimoines mondiaux, malgré des candidatures et un classement en cours d’étude (France 3 Régions, 2023). Néanmoins, elle fait partie de la liste indicative de la France pour une future reconnaissance, et mérite une mention spéciale tant elle façonne le paysage et l’identité locale.

  • 15 000 hectares de vignes (source : CIVA, Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace), répartis sur plus de 170 km, du nord au sud entre Marlenheim et Thann.
  • 51 Grands Crus, nombre unique en France en dehors de Bordeaux et Bourgogne.
  • Villages-forteresses: tels Riquewihr, Eguisheim, Kaysersberg (élu « Village préféré des Français » en 2017), dont l’authenticité architecturale et le maillage rural sont remarquables.
  • Fêtes traditionnelles : la Fête des vendanges de Barr, ou la Foire aux Vins de Colmar, perpétuent ici des traditions viticoles séculaires.

Ce paysage « vivant » illustre la notion de patrimoine culturel immatériel, et témoigne d’une transmission ininterrompue depuis le Moyen Âge. Chaque cave, chaque borne vinique, raconte une parenthèse d’histoire rurale et européenne.

Patrimoines industriels et techniques : l’Oeuvre de Vauban à Neuf-Brisach

Classée UNESCO en 2008 au sein de l’« Œuvre de Vauban » (douze sites fortifiés en France), la ville de Neuf-Brisach est le chef-d’œuvre de la fin de carrière du célèbre architecte militaire Sébastien Le Prestre de Vauban, véritable architecte des frontières françaises sous Louis XIV.

  • Un plan octogonal spectaculaire : Neuf-Brisach fut érigée à partir de 1698, calculée au millimètre, avec 48 hectares fortifiés en alvéole, remparts en étoile à 16 bastions ; une régularité unique en Europe (source : Dossier UNESCO Vauban).
  • Système défensif avancé : fossés, contregardes, échauguettes… Le tout parfaitement conservé, et reconnaissable sur vues aériennes à grande distance — (France Culture, émission « Les routes de Vauban », 2021).
  • Ville habitée et vivante : 2000 habitants perpétuant la vie collective derrière les murs baroques et, chaque année, la fête « Vauban » où figurants, soldats costumés et savoir-faire anciens reprennent possession de la cité.

Neuf-Brisach offre l’une des meilleures lectures de la révolution défensive et urbaine de la fin du XVII siècle. Elle dialogue, de l’autre côté du Rhin, avec sa jumelle allemande Breisach.

Chemins secrets : la Forêt de la Biosphère Rhin supérieur – Oberrhein

Si la Forêt Rhénane n’est pas classée sur la liste principale de l’UNESCO, elle bénéficie néanmoins du label Réserve de biosphère depuis 1976, inscrit au « Programme sur l’Homme et la Biosphère », qui promeut la conservation et le développement durable de territoires naturels remarquables.

  • 190 000 hectares couvrant l’Alsace, le Pays de Bade (Allemagne) et la région de Bâle (Suisse).
  • Patrimoine écologique exceptionnel : forêts alluviales, prairies inondables, biodiversité remarquable (près de 600 espèces végétales, 200 espèces d’oiseaux recensées — source : Office français de la biodiversité).
  • Usages anciens et nouveaux : cette forêt a servi de refuge, zone de pêche, source de bois. Aujourd’hui, elle demeure vital pour la protection contre les inondations et l’adaptation au changement climatique.
  • Itinéraires transfrontaliers : la (vélo-route Eurovélo 15) relie Bâle à Rotterdam, traversant toute la réserve.

La biosphère rhénane représente la dimension transnationale et écologique du patrimoine alsacien, alliant mémoire rurale, enjeux contemporains et tourisme doux.

Patrimoine religieux et mémoire européenne : l’influence alsacienne reconnue

Au-delà du strict périmètre UNESCO, l’Alsace regorge de sites patrimoniaux, principalement religieux, dont plusieurs attendent ou visent une inscription :

  • L’abbatiale d’Ottmarsheim : église carolingienne du XI siècle, inspirée de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle. Son plan octogonal est unique en France.
  • L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Rosheim, chef-d’œuvre roman, et le Mont Sainte-Odile, lieu de pèlerinage majeur et sanctuaire de la patronne de l’Alsace.
  • Le patrimoine juif alsacien : synagogues rurales (comme celle de Pfaffenhoffen ou de Marmoutier), certaines parmi les plus anciennes d’Europe, aujourd’hui labellisées « Patrimoine Juif Européen » (Jewish Heritage Europe).
  • Le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle : les étapes alsaciennes du célèbre pèlerinage, inscrites depuis 1998 dans la liste des Chemins de Compostelle en France.

Autant de témoignages d’une terre de passage, de refuge, de dialogue entre communautés, que l’UNESCO a commencé à saisir par touches, mais dont la richesse attend parfois reconnaissance complète.

Sites culturels et savoir-faire à l’aube d’une reconnaissance UNESCO

L’Alsace a récemment présenté plusieurs nouveaux dossiers à l’UNESCO :

  • La fête du Munster, les savoir-faire liés à la fabrication du célèbre fromage, sont intégrés à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français depuis 2022 — un premier pas vers une candidature européenne (source : INPI, 2023).
  • L’art du vitrail alsacien : un projet de reconnaissance partagée avec la Lorraine et la Suisse pour ces techniques transmises dans les ateliers de Strasbourg, Mulhouse ou Wissembourg depuis le Moyen Âge.

Il faut souligner l’écosystème exceptionnel pour la transmission des savoir-faire en Alsace : sommiers alsaciens, maîtres brasseurs, faïenciers de Soufflenheim… Si beaucoup bénéficient de labels nationaux (EPV, Entreprises du Patrimoine Vivant), certains pourraient demain intégrer la liste UNESCO.

Éclairages pratiques pour préparer ses visites UNESCO en Alsace

  • Les deux sites UNESCO de Strasbourg sont entièrement piétonniers ou accessibles en tram, favorisant une visite à pied lente et approfondie.
  • Neuf-Brisach se visite aisément à vélo, la boucle des remparts (3 km) permet de saisir le génie de Vauban ; des visites guidées sont proposées toute l’année.
  • La Forêt Rhénane offre des sentiers balisés et des observatoires ornithologiques, idéals pour la découverte en famille.
  • De nombreux événements (nuits des musées, festivals viticoles, fêtes patrimoniales) permettent de rencontrer des habitants porteurs de mémoire, dans l’esprit UNESCO de transmission.

Pour aller plus loin : Alsace, patrimoine(s) en devenir

L’Alsace, territoire mouvant, frontalière et créative, se distingue par la densité et la diversité de ses patrimoines « universels ». Si certains sont déjà classés, d’autres, tout aussi précieux, frappent à la porte de l’UNESCO : paysages du vignoble, traditions culinaires et musicales, savoir-faire d’exception... Tous racontent un héritage vivant, partagé, toujours ouvert au dialogue. Suivre ces itinéraires, c’est sonder un passé multiple et saisir, au détour d’une ruelle de grès ou d’une vigne paisible, le souffle continu d’une terre-universelle.

Pour les curieux et les amoureux de l’Alsace, une aventure sans cesse renouvelée au fil des reconnaissances et des explorations…

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