Sur les traces d’un itinéraire mythique : l’aura internationale de la Route des Vins d’Alsace

Difficile de comprendre l’aura de la Route des Vins d’Alsace sans évoquer sa profonde ancienneté. La vigne y pousse depuis l’Antiquité : on retrouve des mentions de sa culture dès le IVe siècle. Au Moyen-Âge, les vins alsaciens étaient exportés majoritairement vers l’Allemagne toute proche et même jusqu’aux Pays-Bas et à l’Angleterre. Cette histoire millénaire a façonné les villages, donné naissance à de véritables dynasties de vignerons, et inscrit la vigne dans le paysage humain et architectural.

Le statut de la Route des Vins elle-même est une innovation du XXe siècle : son tracé, pensé pour valoriser le patrimoine après la Seconde Guerre mondiale, fut inauguré en 1953. Cette précocité la place parmi les toutes premières routes touristiques consacrées au vin en Europe, une pionnière qui a inspiré la Toscana et même la Californie (source : CIVC, Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace).

Ce qui séduit, c'est moins un alignement de domaines qu’un véritable théâtre vivant, où la vigne côtoie la forêt, les villages préservent leurs remparts, et l’intimité de certaines vallées offre ses brumes à la curiosité du voyageur. Quelques points forts qui participent à la magie :

• 119 villages viticoles : d’Eguisheim à Hunawihr, de Riquewihr à Barr, chaque bourg décline à sa façon l’art du colombage, de la fontaine et du géranium fleuri ;
• Deux Parcs Naturels Régionaux : des Vosges au Piémont, la route traverse des réserves où la biodiversité viticole se mêle à une biodiversité naturelle remarquable (source : Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges) ;
• Un patrimoine architectural inégalé : sur 170 km, on compte plus de 1 000 monuments historiques classés ou inscrits et une densité exceptionnelle de châteaux forts, comme le Haut-Koenigsbourg ou le château du Hohlandsbourg (source : DRAC Grand Est).

Si la route est tant aimée à travers le monde, c’est aussi pour sa singularité viticole. Au fil de ses coteaux prospèrent 53 grands crus, classés sur moins de 5% du vignoble alsacien, mais représentant le sommet qualitatif de la production. Ici, sept cépages dominent, parmi lesquels :

• Le Riesling : considéré comme l’un des meilleurs blancs secs au monde pour son équilibre et sa fraîcheur ;
• Le Gewurztraminer : célèbre pour ses arômes puissants et épicés, particulièrement apprécié en Asie et sur les marchés nord-américains ;
• Le Pinot Gris : qui a su séduire les amateurs du monde entier par sa rondeur et sa richesse aromatique ;
• Le Crémant d’Alsace : aujourd’hui première appellation française d’effervescents hors Champagne, avec près de 40% des exportations alsaciennes (source : Interprofession des Vins d’Alsace).

La renommée ne se construit pas sur l’uniformité. Le système de grands crus, instauré en 1975 et enrichi depuis, permet à chaque terroir d’exprimer ses nuances. L’approche respectueuse envers l’environnement – plus de 20% des surfaces en bio, biodynamie ou HVE en 2022 (source : Agence Bio/INAO) – participe à l’image d’une viticulture tournée vers l’avenir et reconnue pour sa qualité.

L’attrait international tient aussi à la façon très concrète dont la Route des Vins met en scène la rencontre, l’échange, la convivialité. Des décennies avant l’essor de l’oenotourisme en France, l’Alsace ouvrait ses caves et ses fêtes à tous. Quelques traditions vivaces :

• Près de 1 000 caves ouvertes à la dégustation (source : Alsace Destination Tourisme), du caveau familial à la grande maison historique ;
• Fêtes et événements : la Fête du Vin de Colmar, la Foire aux Vins ou les Marchés de Noël viticoles, attirant chaque année des dizaines de milliers de visiteurs venus d’Europe et d’ailleurs ;
• Routes à vélo, à pied, en tuk-tuk ou en calèche : de quoi expérimenter la lenteur et l’intimité des rencontres avec les viticulteurs et les paysages ;
• Gastronomie d’accords : bretzels, tartes flambées, kugelhopf et foies gras trouvent ici des alliances subtiles avec les vins, participant à une expérience qui va bien au-delà de la seule dégustation.

Si la Route des Vins d’Alsace est connue bien au-delà de nos frontières, c’est aussi grâce à sa présence médiatique.

• Dans les années 1980, la série "Les Routes du Bonheur" posait ses caméras à Riquewihr et dans plusieurs caves emblématiques, contribuant à l’image d’une Alsace féérique (source : INA).
• De grands chefs et sommeliers nord-américains ou japonais citent régulièrement les villages et domaines alsaciens comme "must-see" oenotouristiques, à l’instar du New York Times, Lonely Planet ou National Geographic.
• En 2022, la Route des Vins d’Alsace décroche la 3ème place du palmarès Travelers’ Choice "Best of the Best" Tripadvisor, parmi les plus beaux circuits du monde.
• La mention "Route des Vins d’Alsace" figure dans plus de 70% des guides touristiques européens consacrés à la France, chiffre sans égal pour une route thématique hors Paris ou la Côte d’Azur (source : Atout France).

Chaque année, la Route des Vins attire en moyenne environ 3 millions de visiteurs (source : Observatoire régional du tourisme Grand Est). Plus de la moitié viennent de l’étranger :

• Les Allemands et Suisses, historiquement très présents, constituent aujourd’hui encore plus de 30% des visiteurs étrangers (source : Alsace Destination Tourisme) ;
• Les Belges, Néerlandais et Britanniques restent de fidèles ambassadeurs, souvent séduits par le rapport qualité/prix et l’accueil de la région ;
• Depuis dix ans, on note une croissance régulière des visiteurs d’Asie du Sud-Est et des États-Unis – dont beaucoup réservent des séjours axés sur la découverte des grands crus ou la participation à des vendanges (source : Le Monde du Vin, France 3 Grand Est).

La Route des Vins incarne aussi une forme d’avant-garde. Loin de se figer, elle multiplie les initiatives :

• Accueil dans des domaines familiaux multigénérationnels, qui font découvrir le métier de vigneron du XXIe siècle ;
• Sentiers viticoles pédagogiques : parcours balisés avec panneaux explicatifs, adaptés aux familles et visiteurs internationaux (plus de 30 sentiers recensés en 2023) ;
• Oenotourisme durable : création du label "Vignobles & Découvertes" décerné à plus de 120 établissements, engagement dans la réduction de l’empreinte carbone, développement du slow tourisme (source : ADN Tourisme, Vignerons Indépendants) ;
• Expériences immersives multilingues : visites de caves en anglais, allemand, néerlandais, japonais, ateliers sensoriels et musées interactifs (Musée du Vignoble à Kientzheim, Parcours des Sens de la Cave de Turckheim).

La promesse de la Route des Vins d’Alsace, ce n’est ni l’élitisme, ni la consommation débridée, ni l’industrialisation du tourisme œnologique. Son secret reste l’équilibre : l’art du partage, la lenteur du geste, la fidélité aux terroirs et aux histoires familiales. C’est peut-être ici que réside l’universalité de son succès : dans la capacité à incarner, à une époque de mobilité mondialisée, une expérience tangible, sincère et ancrée.

Pour le voyageur venu du bout du monde ou du bourg voisin, la Route des Vins d’Alsace continue de jouer son rôle de trait d’union. Elle relie, au-delà des frontières, celles et ceux qui cherchent moins à accumuler des « points d’intérêt » qu’à comprendre un certain art de vivre. Cet agencement méticuleusement préservé de paysages, de saveurs et d’hospitalité parle à tous les âges et toutes les cultures. C’est là que se niche, pour aujourd’hui et demain, le cœur battant de sa réputation internationale.

Sources complémentaires :

• Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace (CIVA) – www.vinsalsace.com
• Alsace Destination Tourisme – www.alsace-destination-tourisme.com
• Atout France, Observatoire régional du tourisme
• Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges
• INA, France 3 Grand Est, National Geographic