Rosheim, une histoire entre pierre et lumière

Posée sur les premiers contreforts des Vosges, là où la Route des Vins commence à onduler entre vignes et villages, Rosheim s’impose comme une halte à part. Ce n’est pas seulement un village pittoresque du Bas-Rhin : Rosheim est l’un des lieux qui, en Alsace, incarne avec une rare intensité la mémoire romane. Son patrimoine bâti, harmonieusement préservé, appelle à une exploration attentive, loin de la frénésie des circuits touristiques classiques.

La cité, ancienne possession de l’Évêché de Strasbourg puis ville impériale libre, a vu défiler neuf siècles d’histoire : du Moyen Âge foisonnant aux guerres du XX siècle, ses rues pavées témoignent de la prospérité passée, mais aussi de la vitalité toujours présente d’une commune de plus de 5 200 habitants (Ville de Rosheim).

L’église Saints-Pierre-et-Paul : chef-d’œuvre de l’art roman alsacien

C’est ici, sur la Grand-Rue, que bat le cœur spirituel et architectural de Rosheim. L’église romane Saints-Pierre-et-Paul, achevée vers 1150, figure parmi les monuments majeurs du roman alsacien, à l’instar d’Ottmarsheim ou d’Eschau. Classée dès 1840 au titre des Monuments historiques, elle se distingue par la pureté de ses lignes et la richesse de son décor sculpté.

  • Façade occidentale : Trois portails, chacun orné de tympans historiés, témoignent d’une virtuosité artisanale exceptionnelle pour le XIIe siècle. Admirez les colonnettes torsadées, les masques grotesques et les animaux fantastiques – typiques du bestiaire médiéval alsacien.
  • La tour-lanterne : C’est sa coupole octogonale, posée sur quatre arcs, qui surprend le visiteur autant par l’audace technique que l’effet lumineux obtenu. À midi, la lumière joue sur le grès jaune, tournant à l’or.
  • Peintures murales et chapiteaux sculptés : Moins connues, certaines fresques sont réapparues lors de restaurations récentes. Les chapiteaux historiés offrent quant à eux une leçon vivante de l’imaginaire roman.

À noter : l’église, très régulièrement restaurée, accueille chaque année le public lors des Nuits romanes, permettant une découverte nocturne, entre chants grégoriens et mise en lumière.

Pour aller plus loin : Patrimoine Alsace - Fiche détaillée

Portes, remparts et maisons médiévales : déambulation dans la cité ancienne

Rosheim est l'une des rares cités d’Alsace encore ceinte d’éléments défensifs médiévaux visibles. Des remparts du XVe siècle, il subsiste aujourd’hui trois portes voutées encore debout sur les six d’origine : la Porte de l’Hôpital, la Porte de la Vierge et, à l’est, la Porte Haute. La ville, autrefois fortifiée, possédait un système complet de douves et de bastions. Ces vestiges traduisent la position stratégique de Rosheim sur la route reliant Strasbourg à la Lorraine.

  • Les maisons à pans de bois : La cité affiche quelques-uns des plus beaux exemples d’architecture bourgeoise alsacienne, notamment la célèbre Maison romane (rue du Général de Gaulle). Construite en 1154, elle serait la plus ancienne maison d’habitation conservée à ce jour en Alsace. Sa façade de grès, marquée par de fins arcs romans alignés, offre une leçon de sobriété et d’élégance.
  • La Synagogue : Édifiée en 1839, elle témoigne d’une communauté juive présente dès le Moyen Age, une des plus anciennes d’Alsace. Inscrite Monument Historique, elle a retrouvé, après restauration, ses vitraux art déco et ses bancs de bois d’origine. Chaque année, les Journées du Patrimoine permettent une immersion dans ce lieu rarement ouvert au public.

Marcher dans Rosheim, c’est comprendre la généalogie du bâti alsacien, où se rencontrent grès rose, colombages et tuiles plates. Le circuit patrimonial balisé « Rosheim, Cité Romane » (disponible à l’Office de Tourisme, ou sur le site Rosheim Tourisme) est une invitation à la déambulation, entre découvertes et parenthèses tranquilles.

Découverte du vignoble rosheimois

Si la route des Vins d’Alsace prend ici ses premiers accents, c’est que le vignoble rosheimois a façonné tant le paysage que les usages. Dès le XIIe siècle, les moines de l’église Saints-Pierre-et-Paul exploitent des vignes sur le ban communal. Aujourd’hui, près de 66 hectares produisent des cépages alsaciens de renom : riesling, pinot gris, gewurztraminer – sans oublier quelques parcelles de muscat et de sylvaner (Vins d’Alsace).

  • La Confrérie des Bienheureux Soupers organise marchandages et fêtes bachiques évoquant la vendange médiévale.
  • Le sentier viticole de Rosheim : 4,5 km balisés, traversant crêtes, coteaux et cabanes de vignerons, ponctué de panneaux pédagogiques sur l’histoire locale du vin.

En flânant du village vers les vignes, on croise parfois des abris de pierres sèches, souvenirs discrets d’une vie paysanne longtemps structurée autour de la vigne. Des ateliers et dégustations menés par des vignerons indépendants (par exemple au domaine Kumpf et Meyer) permettent de saisir la complexité du terroir local, entre sols argilo-calcaires et fraîcheur vosgienne.

Rosheim côté nature : sentiers cachés, panoramas et art rural

Rosheim n’est pas qu’une cité de pierre : la nature s’invite en douceur à ses portes. De nombreux itinéraires de randonnée partent du centre bourg et filent vers les collines ou le vignoble.

  • Sentier des trois chapelles : Un circuit de 11 km menant du cœur de la ville aux trois chapelles encerclant Rosheim (Saint-Sébastien, Saint-Ulrich, Saint-Nicolas). Chacune possède ses propres légendes et particularités d’architecture rurale. Le sentier, bien entretenu, offre de belles vues sur le massif vosgien et la plaine d’Alsace.
  • Le Rocher du Falkenstein : Accessible en marge du circuit, il permet de prendre un peu de hauteur et de surprendre, au matin, le vol des buses ou des faucons.

Entre deux chemins, d’anciennes bornes armoriées rappellent l’importance des limites communales dès l’Ancien Régime. Des sculptures paysagères contemporaines ornent certains passages, témoins des ateliers d’art rural portés, depuis vingt ans, par la ville et son office culturel.

Fêtes, traditions et vie culturelle à Rosheim

Si Rosheim vit au rythme de ses pierres, elle vibre aussi grâce à ses habitants. Festivals, marchés et célébrations rappellent que la cité romane est d’abord un lieu de rencontres.

  1. Le Marché médiéval de Rosheim : Chaque premier week-end de juillet, la ville se transforme pour deux jours, entre étals de camelots, campements et spectacles de troubadours. On y côtoie fauconniers, artisans forgerons, calligraphes et musiciens. Événement d’envergure régionale, il attire chaque année près de 20 000 visiteurs (DNA).
  2. Le Marché de Noël historique : L’un des plus anciens de la Route des Vins, réputé pour ses échoppes de tradition et ses animations nocturnes à la bougie.
  3. Le Festival Voix et Route Romane accueille chaque année des concerts dans l’église, faisant dialoguer patrimoine et musiques issues du monde roman.

Rosheim parie aussi sur la jeunesse et le partage: ateliers de langue régionale, rencontres intergénérationnelles, et un jumelage ancien avec la ville allemande de Lauffen am Neckar ponctuent la vie culturelle. Chaque été, le cinéma en plein air du square de la mairie attire familles et groupes d’amis sous les arbres centenaires.

Anecdotes et patrimoines méconnus

  • Les pierres à cupules : Dans la cour de la Maison romane, on distingue encore des pierres percées de petites cavités circulaires. Leur usage exact reste mystérieux – témoignage peut-être d’un culte local préchrétien, un phénomène répertorié dans plusieurs villages d’Alsace (Archéologie Alsace).
  • Le « rond-point des cabanes » : Sur l’ancienne route départementale, un ensemble de cabanes de vignerons du XIXe siècle, restaurées, permet de comprendre le quotidien post-phylloxérique des cultivateurs locaux.
  • Une tradition singulière, la « Bretzelparty » (fête de la Bretzel), réunit chaque février habitants et curieux autour d’ateliers et de jeux dédiés à cette pâtisserie emblématique.

Une invitation à saisir la temporalité romane

À Rosheim, la chronologie ne se lit pas comme une suite d’évènements, mais s’incarne dans l’épaisseur des murs, le parfum d’un pressoir ou la lenteur d’une balade au petit matin. La cité rappelle que l’Alsace, entre romanité et modernité, se goûte à pas tranquilles, le regard attentif à l’invisible.

Arpenter Rosheim, c’est approcher une forme de beauté qui ne force jamais l’éclat mais sourd, patiemment, du dialogue entre pierres, hommes et nature. Les portes de la cité sont grandes ouvertes, à qui saura les franchir avec curiosité et respect.

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