Un relief singulier : là où la forêt rejoint le ciel

Dans le Haut-Rhin, les forêts d’altitude épousent le relief montagneux du massif des Vosges, une chaîne qui s’étire du nord au sud sur plus de 120 kilomètres et dont la partie méridionale s’élève souvent entre 800 et 1 400 mètres (source : Parc naturel régional des Ballons des Vosges). On parle ici des "hautes forêts vosgiennes", où l’humidité et la fraîcheur dessinent des microclimats particuliers : bruyère, hêtres majestueux, sapins argentés, myrtilles à profusion. Ces massifs forment un contraste fort avec la forêt de la plaine : la lumière s’y filtre autrement, la mousse se fait plus épaisse, et les paysages se métamorphosent tout au long de l’année.

  • Superficie forestière : Les Vosges du Sud couvrent environ 4 300 km², et le département du Haut-Rhin possède près de 100 000 hectares de forêt (source : ONF).
  • Altitude : La plupart des forêts dites “d’altitude” débutent vers 700/800 mètres, jusqu’aux crêtes à 1 300 à 1 424 m (Grand Ballon).
  • Articulation : Le massif du Hohneck, le Petit Ballon, le massif du Tanet, la forêt de la vallée de la Thur, ou encore les confins du Markstein et du Ballon d’Alsace constituent les principaux ensembles boisés d’altitude.

Gravir les forêts d’altitude les plus remarquables du Haut-Rhin

1. Le Grand Ballon et la forêt du Steinlebach

Culminant à 1 424 m, le Grand Ballon est le toit du massif. Sa forêt, autour du col de Haag et du Steinlebach, oscille entre hêtraie-sapinière et lande d’altitude. L’ONF y a recensé des spécimens de sapins de plus de 35 mètres de haut. Cheminant sous un couvert épais, on croise des tapis de myrtilliers et des clairières où paissent encore en été les "vosgiennes", ces vaches tachetées produisant le fameux Munster.

  • Point d’intérêt majeur : Le sentier des crêtes, tracé militaire aménagé à partir de 1915, offre des vues saisissantes sur la plaine et la Forêt-Noire.
  • Espèces à observer : Gélinotte des bois, chevreuils, pic noir, d’innombrables papillons (source : LPO Alsace).
  • Anecdote historique : La forêt abrite les vestiges de forts et d’abris de la Grande Guerre, aujourd’hui colonisés par la végétation.

2. Les forêts du Hohneck : entre tourbières et chaos de blocs

Autour du Hohneck (1 363 m), troisième sommet des Vosges, la forêt s’ouvre sur des paysages très contrastés. Les versants alsaciens, couverts de hêtres, de sapins et de pins sylvestres, laissent parfois place à des tourbières d’altitude, véritables “mangeuses de pas” où prospèrent plantes carnivores, linaigrettes et sphaignes.

  • Altitude : de 900 à 1 350 m. L’été, les névés persistent parfois jusqu’en juin sur les sentiers les plus abrités.
  • À ne pas manquer : Le Frankenthal et la réserve du Gazon du Faing, où mouflons et chamois sont plus faciles à observer au lever du jour.
  • Anecdote patrimoine : Jadis, la forêt était parsemée de refuges de charbonniers et de coupeurs de bois.

3. Le massif du Petit Ballon, la montagne des villages

À une altitude “modeste” (1 272 m) mais au caractère bien marqué, le massif du Petit Ballon est le domaine de la hêtraie et de la sapinière. Au fil des crêtes, la forêt s’efface parfois devant d’anciens pâturages : c’est dans ces “hautes chaumes” qu’on découvre les célèbres marcairies, héritage de la tradition pastorale. Le sentier du Club Vosgien mène, à travers sous-bois touffus, jusqu’à la source de la Petite Doller, fréquentée par de multiples cerfs.

  • Singularité : Le massif du Petit Ballon abrite une flore remarquable, dont plusieurs orchidées alpines (source : Conservatoire botanique d’Alsace).
  • Au printemps : On y entend souvent le chant du cassenoix moucheté, oiseau emblématique des pessières d’altitude des Vosges.

4. La forêt du Tanet-Gazon du Faing : ambiance nordique et panoramas grandioses

À cheval sur le Haut-Rhin et les Vosges, la forêt du Tanet (1 292 m) recèle certains des paysages les plus spectaculaires du secteur. Ici, l’altitude confère à la végétation une allure presque boréale. Chaque hiver, le Tanet se pare d’une épaisse couche de givre – un biotope exceptionnel pour la chouette de Tengmalm et la martre.

  • Particularité : Selon l’ONF, c’est un des rares sites du massif vosgien où la forêt primaire subsiste encore en îlots, très difficile d’accès.
  • Au Gazon du Faing : Les sentiers frôlent l’une des plus vastes tourbières des Vosges, classée en réserve naturelle depuis 2000 (>47 ha).

5. Les hauteurs forestières de la vallée de la Thur et du Markstein

Des forêts profondes, tapissées de mélézins et de clairières, relient la station du Markstein aux hauteurs de Wildenstein et du Drumont (1 200 à 1 250 m). Cette zone, moins fréquentée, a longtemps fourni le bois de charpente pour les maisons à colombages de la vallée.

  • Chiffre clé : Plus de 45 % de la superficie communale de la Bresse et de Fellering est encore couverte de forêt (source : Mairie de Fellering).
  • Histoire locale : Les “sentiers du résinier” rappellent le passé des exploitants de sapin blanc, dont la résine alimentait les fabriques de la vallée.

Secrets de la forêt d’altitude : faune, flore et patrimoines

Une biodiversité d’exception, parfois discrète

Les forêts d’altitude du Haut-Rhin concentrent un patrimoine naturel reconnu à l’échelle nationale. Si le lynx boréal a disparu du secteur au début du XX siècle, la loutre d’Europe est cependant de retour dans certains ruisseaux forestiers. Les forêts de hêtres, de sapins, d’épicéas et de pins cimbro-abietins cachent une faune insoupçonnée :

  • Le grand corbeau, oiseau mythique associé aux hautes cimes.
  • Le pic noir, dont le tambourinage puissant résonne en automne.
  • De nombreux cervidés (chevreuils, cerfs, mouflons) et le discret chat forestier.
  • Une centaine d’espèces de papillons recensées à l’étage montagnard (source : LPO, Réserve du Gazon du Faing).

Côté flore, on note la présence de la rare dryade à huit pétales sur les crêtes et rocailles, mais aussi de la fameuse canneberge dans les tourbières et des fougères relictuelles glaciaires.

Forêts et traditions : l’autre visage de l’altitude

Les forêts du Haut-Rhin sont indissociables de l’histoire locale. Autrefois partagées entre les besoins des communautés villageoises et les grands propriétaires religieux, elles sont parcourues de chemins millénaires : voies de transhumance vers les marcairies, anciens sentiers de contrebande ou routes de pèlerinages vers le col du Bonhomme. On y croise traces de bornages gravés (XVe-XVIIe s.) et marques secrètes de bûcherons.

Parmi les traditions encore bien vivantes :

  • La coupe du bois “à l’ancienne”, lors de chantiers d’hiver partagés et commentés par les anciens.
  • La fête du sapin, sommet convivial dans plusieurs communes à la fonte des neiges.
  • La récolte des myrtilles et de l’ail des ours, coutumes transmises entre générations.

Certaines forêts sont aussi des lieux de mémoire, comme à Wattwiller, où la forêt du Hartmannswillerkopf conserve les stigmates de la Première Guerre mondiale, mêlant aujourd’hui sanctuaire naturel et historique (source : Hartmannswillerkopf National Monument).

Comment randonner et respecter les forêts d’altitude dans le Haut-Rhin ?

Conseils pour naviguer sur les sentiers les plus sauvages

  1. Planifiez votre itinéraire : Privilégiez les sentiers du Club Vosgien, balisés et bien entretenus, même sur les passages d’altitude exposés. Les cartes “IGN Série Bleue” restent les meilleures alliées.
  2. Équipez-vous en conséquence : Météo changeante, brouillards rapides : vêtements chauds et imperméables, chaussures à semelles crantées sont indispensables, même en été.
  3. Respectez la nature : Laissez la faune tranquille, n'arrachez pas la flore rare et ramenez vos déchets – certaines zones sont classées Natura 2000 et très surveillées.
  4. Prudence sur les crêtes : Les tempêtes sont fréquentes d’octobre à avril. Évitez les sorties longues dès que le vent souffle fort sur la ligne de faîte.
  5. Profitez des refuges et auberges : Plusieurs anciennes marcairies proposent aujourd’hui des pauses gustatives et de quoi se réchauffer lors des traversées.

Quand partir ? Quelles saisons pour explorer les forêts d’altitude haut-rhinoises ?

Chaque saison métamorphose l’atmosphère des forêts d’altitude :

  • Printemps : Éveil spectaculaire de la sous-bois, avifaune très active, premières morilles dans les clairières humides.
  • Été : Forêts denses, panoramas dégagés sur la plaine, myrtilles à cueillir de juillet à août (jusqu’à 800 m de récoltes annuelles pour l’ensemble de la vallée de Munster, source : Vallée de Munster Tourisme).
  • Automne : Couleurs d’or et de cuivre parmi les hêtres et érables, rut du cerf très sonore la nuit, nombreux champignons.
  • Hiver : Raquettes et ski de fond sur les pistes forestières, forêts souvent impraticables dès 900 m en cas de neige abondante (jusqu’à 1,50 m par an au Markstein, selon Météo France).

Certains tronçons sont parfois fermés durant la période de nidification (avril-juillet) ou en cas de danger de crues automnales. Renseignez-vous auprès du Parc naturel régional des Ballons des Vosges.

Un territoire vivant à explorer sans hâte

Parcourir les forêts d’altitude du Haut-Rhin, c’est apprendre à lire un paysage façonné par des siècles de présence humaine et de résilience sauvage. Elles invitent, chaque saison, à la contemplation, au respect et à la découverte de mille détails : l’écorce d’un vieux sapin, la courbe d’un sentier oublié, les traces d’un blaireau au petit matin. Ces forêts sont devenues un bien commun, terrain privilégié de l’émerveillement autant que de l’étude, au sein d’un département qui laisse une grande place à la nature et à ceux qui savent la voir.

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